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Extrait

Le manuscrit d'Eusébius

Il y eut un grand silence, puis, brusquement, les prêtres et leurs gardes hurlèrent:
- À mort! À mort! À la croix! À la croix!
La foule leur emboîta le pas...
- À la croix! À la croix! À mort! À mort!
Pilate explosa. La colère qu'il contenait depuis si longtemps lui brûla les lèvres.
- Crucifiez-le vous-mêmes!
- Il doit mourir selon notre loi, parce qu'il s'est déclaré fils de Dieu.
- Dis-lui de revenir sur ce qu’il a dit… que c'est sa vie qui est en jeu! Dis-lui, Eusébius...
Je traduisis de mon mieux, mais le condamné ne me fit aucune réponse.
Dehors, les hurlements continuaient...
- Pilate! Cet homme s'est fait roi. Quiconque se fait roi se déclare contre Tibère. Si tu le relâches, tu n'es pas un ami de César...
Il n'y avait plus rien à faire.
La mort dans l'âme, Pilate dit:
- Voici votre roi! Le crucifierai-je?
- Oui! Oui! À mort! À mort! Nous n'avons, d'autre roi que César!
C'était le seul argument qui pouvait faire plier Pilate.
- Prenez l'homme! Et faites en ce que vous voudrez! Moi, je m'en lave les mains!
Rentrant au Prétoire, il ajouta:
- Eusébius! Cette sanction est injuste...Le pire, vois-tu, c'est que, si l'Histoire se souvient de cette affaire, c'est moi qui en porterai la responsabilité. Tu comprends, la croix est, normalement le supplice réservé strictement aux esclaves ou aux voleurs, aux assassins, aux brigands, et à tous ceux auxquels à qui on ne veut pas accorder l'honneur de mourir par le glaive. Si j'en crois ce que je sais de leur loi, ce Jésus devrait être lapidé.

Les prêtres ont été malins. Ils savaient très bien qu'ils n'auraient jamais obtenu de moi une condamnation pour des faits se rapportant à la Loi de Moïse, mais, contre cette accusation, je ne pouvais que condamner. Déjà, dans l'affaire, pourtant infime des écussons votifs, ils ont écrit à Tibère, et ont eu gain de cause.
Je ne pouvais agir autrement. On m'aurait accusé de soutenir un rival de Tibère, et je l'aurais payé de ma tête...

 

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